par Sébastien Celeri, Conseiller et Président 2017-2021
Bernard Quirot est architecte.
Diplômé de UP8 en 1986, pensionnaire de la Villa Médicis en 1988, il est lauréat de son premier concours public un an plus tard, pour « le plus grand bâtiment qu’il lui sera donné de construire ». Après avoir exercé à Paris et Besançon, il installe son agence en 2008 à Pesmes, petit village de Franche-Comté. Par « réaction face à la dégradation des conditions d’exercice de notre métier » écrit-il, mais surtout par volonté de s’investir dans le devenir de son village avec l’ambition de lui donner un rayonnement par l’action de terrain et participer ainsi à la reconstruction du lien social. Il fonde alors en 2014 l’association « avenir radieux – architecture, patrimoine environnement » qui conseille, accompagne et sensibilise particuliers comme collectivités. En 2015, il est lauréat du prix de l’Equerre d’Argent pour la maison de santé de Vézelay et en 2018, il est nommé au Grand Prix National d’Architecture.
En 2019 paraît SIMPLIFIONS aux éditions COSA MENTALE.
« Simplifions »
Par cette injonction, Bernard Quirot nous exhorte à rendre visibilité et clarté à l’architecture, noyée à l’image du monde dans une « complexité factice » (selon les mots du philosophe Alain Badiou qu’il cite lui-même en préambule) qui la rend illisible. Il nous propose du moins d’essayer, en revenant « à l’essentiel ».
En philosophie, est essentiel ce qui relève de l’essence, autrement dit la substance de l’être, ce qui fait qu’une chose est ce qu’elle est. Pour Bernard Quirot, l’essentiel est ce en quoi il croit. Le tropisme suisse assumé de l’auteur nous renvoie vers le credo de l’architecte tessinois Livio Vacchini, dernier chapitre de son ouvrage capolavori paru en 2006 aux éditions du linteau. Mais à la différence de ce dernier, « dogme inébranlable », le credo de Bernard Quirot est adogmatique, puisant au-delà des règles de la proportion, des nombres et de la géométrie dans la mémoire intime, le sentiment, le hasard, l’obsession.
L’un des piliers de ce credo est la matérialité. Le jeune Bernard Quirot tout juste diplômé en prend alors progressivement conscience quand il se retrouve « immergé dans la puissance de la matière » de l’architecture de Louis Kahn, et paradoxalement en étant quotidiennement confronté à sa disparition progressive sous les multiples couches, peaux et doublages enveloppant l’architecture au fil de l’évolution des techniques et des « nouveaux » matériaux, confinant la structure à l’abstraction.
On y comprend un constat que l’architecture a perdu progressivement son indépendance sacrée pour se confondre avec la science de l’ingénieur et le produit de l’industrialisation, projection bâtie des modes de vie et de consommation de la société productiviste et du capitalisme.
Or, la matière est l’essence. Elle « nous rattache à la Terre », écrit Bernard Quirot, « et c’est grâce à elle, à la manière dont elle est travaillée et mise en œuvre, que nous sommes quelque part » poursuit-il.
Ce travail de la matière produit l’émotion, celle que l’on ressentira dans l’espace et la lumière, dans la force structurelle du bois ou du béton, dans les traces des bouchardes et marteaux des tailleurs de pierre, dans les mouvements encore perceptibles de la main qui ont sculpté dans l’enduit frais les courbes et contrecourbes d’un stuc baroque.
Quid de ce rapport à la terre ? A l’instar de l’arbre qui y prend profondément racine pour s’élever, la terre est le fondement de ce qui constitue pour l’Homme son rapport au monde. Nous sommes partie intégrante de notre environnement, prolongement de la terre par notre enracinement. En étant sur la terre nous sommes en possibilité d’élévation.
Par son rapport à la matière, le credo de Bernard Quirot me renvoie vers l’une des œuvres écrites qui m’aura le plus durablement marqué : Les pierres sauvages, de Fernand Pouillon, dont il se retrouve dans la lignée en ce qui concerne sa recherche de la vérité. Sous le premier titre d’alpha et oméga, ce roman de sa vie est construit comme le journal du moine cistercien chargé au XIIe siècle de diriger la construction de l’abbaye du Thoronet.
L’ouvrier s’y confond avec l’œuvre et sa matière :
« Je peux [dit le narrateur] et je dois me décomposer en claveaux, me ressentir clef de voûte, sommier ou voussoir, reconnaître la pierre dans ma chair, la regarder comme ma propre peau.
La structure est tout, la forme est tout, la matière est tout. Comment expliquer ce mystère si l’on n'admet pas que l’homme contient ces tout sous son propre toit.»
Ainsi, du « mystère des origines », premier chapitre ce cet ouvrage manifeste, au constat parfois désabusé mais conclu par l’optimisme inhérent à l’esprit qui pense en projet, Bernard Quirot nous assure que par la simplicité et l’humilité, première vertu de l’architecte, nous trouverons le sublime et, qui sait, un « avenir radieux » ?
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