L’Ademe et le CNB ont mené une étude[1] sur l’évaluation du coût social du bruit en France, avec deux objectifs :
- Evaluer le coût social du bruit en France, les coûts marchands ou non, supportés par les Français ;
- Examiner la rentabilité de certaines mesures d’évitement simultané du bruit et de la pollution de l’air.
Ces évaluations ont donc été faites en tenant compte de deux types de coûts :
- Les coûts marchands, soit les dépenses directement quantifiables ;
- Les coûts non marchands, estimés par la valorisation des années de vie en bonne santé perdues et la mortalité prématurée du fait de l’exposition au bruit.
Les nuisances sonores concernent tous les domaines de vie
Le coût social du bruit en France est estimé à 155,7 milliards d’euros par an, sur la base des données et connaissances disponibles, et réparti en trois familles sources de bruit plus ou moins coûteuses :
- En première position, le bruit des transports représente 68,4% des dépenses globales attribuées aux nuisances sonores (106,4 Md€/an), majoritairement dues au trafic routier (51,8%), devant l’aérien (9,4%) et le ferré (7,2%) ;
- Ensuite, les bruits de voisinage pèsent pour 16,9% de ce coût social (26,3 Md€/an), avec des bruits émis par les particuliers (11,4% - bruits d’impacts, d’équipements TV/musique, de jardinage, de bricolage ou animaux domestiques, etc.), des chantiers (3,4%) et des activités commerciales et de loisirs (2,1% - notamment bars, restaurants, terrasses et activités récréatives) ;
- En troisième position, le bruit au travail représente près de 14% du coût (21 Md€/an), et se répartit entre les milieux industriel et tertiaire, scolaire et hospitalier. Par exemple : ateliers bruyants, open space, etc.
A ces trois sources de bruit, il convient d’ajouter les dépenses transversales de surveillance, d’information, d’études et de recherche (1,3%, soit 2 Md€/an).
Ces chiffres montrent une augmentation importante du coût social du bruit en France (+93,8Md€/an) par rapport à la première étude de l’Ademe en 2016, soit une réévaluation de 171%. Mais la présente étude, qui estime ce coût à 155,7 milliards d’euros par an, intègre trois évolutions de décompte majeures :
- l’amélioration du décompte de la population (qui explique 5,7% de la hausse entre 2016 et 2020) ;
- la mise à jour des méthodes d’évaluation (41,5%) ;
- et surtout l’extension du périmètre de l’étude (52,8%) – avec notamment la prise en compte de nouveaux effets sanitaires (obésité, hypertension, santé mentale et diabète), nouvelles sources d’exposition au bruit (chantier et milieu hospitalier) et nouvelles dépenses (surveillance et R&D).
Avec des conséquences directes sur 25 millions de Français
- Les coûts sanitaires non marchands représentent 86% du coût social du bruit. D’un montant de 134 milliards d’euros, ils reflètent la perte de bien être subie par les personnes exposées au bruit du fait de la gêne, des perturbations de sommeil, des maladies cardiovasculaires, des troubles de santé mentale et des difficultés d’apprentissage induits, ainsi que la part liée au bruit à l’origine d’une mortalité prématurée.
- Les coûts marchands s’élèvent à 21,4 milliards d’euros, dont 20,2 milliards d’euros sont supportés par l’ensemble des ménages et entreprises en lien avec les pertes de productivité (baisse de performance dans les tâches cognitives, perte de concentration, etc.), la dépréciation immobilière et les dépenses transverses (surveillance, R&D). Les 1,2 milliards d’euros restants sont supportés par les caisses d’assurance maladie (médication, hospitalisation, indemnités).
Cette étude permet de donner de la lisibilité à une nuisance vivement ressentie par les Français
En ce qui concerne uniquement le coût social du bruit de voisinage (26,3 Md€/an), 68% est lié au bruit émis par les particuliers, et 20% par les chantiers, avec pour conséquence de la gêne et des perturbations du sommeil (14,5 Md€/an), avec aussi des impacts sur la santé mentale (5,6Md€/an attribués seulement au bruit émis par les particuliers).
Toutefois « l’incertitude liée à cette estimation est élevée », précise l’étude. Les connaissances en matière d’impact sanitaire et économique du bruit dans le voisinage restent « limitées ».
Mais ces coûts pourraient être évités
Une part importante des coûts sociaux liés au bruit peut cependant être évitée, en exploitant les « co-bénéfices » avec d’autres enjeux écologiques, comme la réduction de la pollution de l’air.
La seconde partie de l’étude est ainsi consacrée à une analyse coût-bénéfices des actions et politiques visant à réduire simultanément les deux nuisances, le bruit et la pollution atmosphérique. Mettre en regard ainsi les coûts de ces mesures avec les bénéfices économiques qu’elles peuvent apporter (autrement dit les coûts évités) permet de démontrer l’intérêt de leur mise en œuvre.
Quatre mesures se révèlent ainsi particulièrement intéressantes, du fait des co-bénéfices attendus à la fois pour la santé publique et l’économie :
- Mesure 1 : la réduction des vitesses de 10km/h sur voies rapides (ratio bénéfices/coût sur 10 ans de 685[2]),
- Mesure 2 : la mise en place progressive de zones à faibles émissions (ratio bénéfices/coûts sur 4 ans de 13) ;
- Mesure 3 : l’amélioration de la qualité acoustique des bâtiments scolaires, en lien avec l’enjeu de la rénovation globale (ratio annuel bénéfices/coûts de 10)
- Mesure 4 : l’application d’une charte « chantier propre » en milieu urbain (ratio annuel bénéfices/coûts de 3).
Pour en savoir plus :
[1] Etude confiée au groupement de prestataires I-Care & Consult et Energies demain
[2] En supposant l’amortissement du coût de l’aménagement des panneaux de signalisation sur une durée de 10 ans, le ratio entre le montant investi et les bénéfices est de 685.
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