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Quelle architecture face aux inondations ?

Aujourd’hui en France, plus du quart de la population est directement exposé à des inondations. C’est déjà la première source de catastrophes dans le pays. Avec le dérèglement climatique, elles n’iront que croissant. Les architectes ont les solutions pour adapter l’architecture. 

Mis à jour le
31 octobre 2024
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Indondations dans l'Audomarois

Trois inondations en deux mois. La commune d’Arques dans le Pas-de-Calais a été lourdement sinistrée cet hiver. Aujourd’hui, dans la plus inondable de ses rues, 27 des 32 maisons ont été rachetées par l’État et la communauté d’agglomération pour qu’elles soient rasées. 

En France, de nombreuses communes, au bord de plus de 23 000 km de cours d’eau et de 20 000 km de côte, sont exposées au risque. Elles représentent plus de 18 millions d’habitants. Une évolution des politiques d’aménagement, accompagnée par les architectes, s’impose. 

Un risque croissant

Et cette situation n’est pas le reflet du statu quo. Elle évolue vers une hausse du nombre de sinistres. Le dérèglement climatique conduit à des événements climatiques extrêmes, comme les pluies diluviennes, qui seront plus intenses et fréquents. 

Dans le même temps, il devrait y avoir deux fois plus de sécheresse des sols en 2050 par rapport à la période 1976 – 2005 ; or, ces sols asséchés s’encroûtent et deviennent moins aptes à absorber les précipitations, ils conduisent à plus de ruissellement. Même si bien sûr, ces sols secs restent plus aptes à s’imprégner d’eau que les sols de plus en plus artificialisés par l’étalement urbain.

Enfin, le recul du trait de côte et la hausse du niveau de la mer mettent en danger des communes littorales. Plus de 316 d’entre elles doivent d’ores et déjà adapter leur politique d’urbanisme à cette nouvelle situation. 

Ainsi, ce n’est pas à la situation présente qu’il faut s’adapter, mais à une situation future, plus instable. L’adaptation aux risques croissants est d’autant plus cruciale que le coût de l’inaction ne fera qu’augmenter : de plus en plus de biens inondés, d’actifs empêchés de travailler, etc. Le financement de l’assurance CatNat, chargée d’indemniser les pertes en cas de catastrophe, doit déjà passer d’une taxe de 12% sur la prime d’assurance d’habitation à une taxe de 20% en 2025, pour prendre en compte cette tendance. 

Cohabiter par l'architecture

Pour répondre à cette situation, le géographe Michel Lussault parle dans son livre Cohabitons ! Pour une nouvelle urbanité terrestre du concept de « géocare », du fait de prendre soin de l’habitat dans lequel nous cohabitons. Il identifie plusieurs « vertus de la cohabitation », au service du géocare : la considération, l’attention, le ménagement et l’entretien. 

Lorsqu’elles ne sont pas mises en œuvre, les projets ne tiennent pas. On pense par exemple au Signal, l’hôtel à Soulac-sur-Mer en Gironde qui a été détruit car condamné à être régulièrement inondé. Il a été construit sans aucune considération pour son environnement, trop près de l’eau. 

En revanche, lorsque les architectes incarnent ces « vertus », ils peuvent être porteurs de solutions. À Lyon, les rives de la Saône dans le quartier de la Confluence ont été en grande partie renaturées lors d’une récente opération d’aménagement. La désimperméabilisation du rivage réduit le risque d’inondation dans le quartier, tout en fournissant un espace avec des arbres, des arbustes et des points d’eau, pour que la biodiversité urbaine et les riverains puissent cohabiter dans un lieu agréable ; un lieu où faire société. En ménageant la rive, on répond d’un geste à plusieurs enjeux. 

Lors de la rencontre Architectures & Territoires à Dunkerque, l’architecte Eric Daniel-Lacombe parlait de l’un de ses projets où un terrain inondable et non constructible a pu être exploité grâce à une recomposition que l’on pourrait qualifier de géocare. En désimperméabilisant une partie du terrain avec la création d’un parc, en « le rendant à la rivière », le projet a permis à l’eau de s’infiltrer. Le terrain dans son ensemble devient alors constructible, un immeuble d’habitation a pu être construit près du parc. Adaptation et densification ont été permises par la renaturation. 

Ces deux exemples traduisent un changement de démarche. Plutôt qu’une approche techniciste, fruit d’une croyance cartésienne dans l’omnipotence humaine sur - ou contre - la nature, ils adoptent un point de vue où les humains vivent avec le reste du monde, plutôt qu’au-dessus. Francis Soler, grand prix national d’architecture, disait lors de la rencontre dunkerquoise qu’il fallait « habituer les gens à vivre avec l’eau ». La résilience vient aussi d’une reconnexion à l’espace dans lequel on vit, d’une prise en compte des contingences. 

L'architecture comme solution

Mais au-delà des parcelles, la thématique du risque doit avant tout être traitée à l’échelle de territoires ; une démarche collective efficace réduit le besoin en efforts individuels. C’est l’une des propositions du plaidoyer de l’Ordre des architectes, concrétisée à La Rochelle. Après la tempête Xynthia, l’agglomération rochelaise a fait appel à l’agence Les Marneurs, à l’Atelier Landscape et aux Architectes des risques majeurs pour s’engager dans une stratégie d’aménagement résilient

Ce projet a notamment accouché d’un plan guide global à l’échelle du bassin de risque pour aménager le littoral par des solutions douces, en prenant en compte les aléas côtiers. Il renforce la culture du risque localement et s’inscrit dans une maîtrise de l’urbanisation à long terme grâce à un Plan de Prévention des Risques littoraux. 

Cette politique se décline hyper localement en fonction des enjeux de chaque parcelle, par la préservation du cordon naturel de galets, la surélévation de la promenade littorale, la relocalisation d’espaces de stationnement en retrait, la création de cheminements piétons et de pistes cyclables, l’adaptation ou la démolition de bâtiments existants, ou encore par le maintien d’une économie agricole compatible en milieu humide, le maraîchage bio. 

Ce travail livré en 2022 a valu à ses concepteurs d’être lauréats au Palmarès des Jeunes urbanistes 2022 et médaille d’Architecture (Prix Delarue 2023) de l’Académie d’architecture. La démarche est d’ailleurs proche de celle de la ville de New York, développée après l’ouragan Sandy de 2012, et aujourd’hui considérée comme un modèle à suivre. 

S'inscrire dans une nouvelle dynamique

Après les multiples inondations évoquées en introduction, dans le Pas-de-Calais et le Nord l’hiver dernier, le gouvernement de Gabriel Attal a lancé une mission interministérielle pour proposer des pistes d’amélioration de la gouvernance du problème. 

Dans la foulée des architectes, le gouvernement a déploré la perte de la culture du risque et l’augmentation de la vulnérabilité, en partie causée par l’étalement urbain dans des zones humides. À partir d’une même lecture du problème, la mission du gouvernement a identifié des solutions dans lesquelles les architectes ont un rôle de premier plan à jouer : aménager les territoires pour vivre avec l’eau, renforcer la prise en compte de la résilience dans les planifications stratégiques, ou encore travailler sans relâche à la culture du risque. 

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