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Comment transformer nos bâtiments en réserves de matériaux ?

Le Cabinet de conseil Nomadéis présente les conclusions de son enquête sur le réemploi de matériaux et l’éco-conception, conduite auprès d’un panel de maîtres d’ouvrage et de près de 300 architectes exerçant en région PACA.

Mis à jour le
16 mai 2024
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Le Cabinet de conseil Nomadéis présente les conclusions de son enquête d’analyse des perceptions, pratiques et attentes des acteurs du bâtiment en matière de réemploi, de réutilisation et d’éco-conception. Cette enquête a été conduite auprès d’un panel de maîtres d’ouvrage et d’architectes exerçant en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec le soutien de la région et de l'Ademe PACA.
 

Economie circulaire et bâtiment : rappel du contexte et des enjeux

La production française de déchets dans le BTP s’élevait en 2014 à 227,5 millions de tonnes, ce qui représentait plus de 80 % de l’ensemble des déchets français - à titre de comparaison, les ménages ont produit 9% de ces déchets. [1]

La majorité de ces déchets est inerte et ne représente pas de risque de pollution, excepté visuelle. Cependant, ce type de déchets constitue un gisement potentiel de matières premières à valoriser et une réponse aux enjeux de la préservation de l’environnement.

Pour réduire les impacts sur l’environnement de la filière bâtiment (raréfaction des matières premières, pollutions durant le cycle de vie du bâtiment, saturation des décharges, …), les acteurs du secteur doivent se mobiliser afin que ces déchets soient majoritairement dirigés, dès la sortie de chantier, soit vers d’autres chantiers où ils sont réutilisés soit vers des structures de valorisation (recyclage, remblais, réutilisation, etc.). Dans un contexte de pression réglementaire croissante, les déchets du bâtiment figurent parmi les premières cibles du projet loi « anti gaspillage pour une économie circulaire » qui devrait être examiné à l’Assemblée Nationale d’ici la fin de l’année.

Pour faire entrer le bâtiment dans l’ère de l’économie circulaire, il faut néanmoins lever des freins, principalement dans l'organisation des filières de collecte et de recyclage des déchets et dans l'implication de la maîtrise d'ouvrage. Ainsi, il apparaît essentiel de connaître les pratiques de tous les acteurs de la chaîne de valeur du bâtiment et d’identifier les leviers d’action possibles pour faciliter la transition environnementale du secteur.

 

Présentation du projet BATIFLUX 3 - « Comment transformer nos bâtiments en réserves de matériaux ? »

Pour favoriser le développement de projets locaux visant à améliorer la « circularité » des déchets, Nomadéis (Cabinet de conseil en développement durable depuis 2002) analyse de nombreuses activités et initiatives sur le territoire français et à l’international.

Engagé dans une démarche globale en faveur de l’économie circulaire dans le bâtiment depuis 2014,  ce cabinet de conseil propose un diagnostic des perceptions, des attentes et des actions déployées par l’ensemble des acteurs du bâtiment en matière d’utilisation de matériaux écoresponsables. Après avoir mené deux enquêtes auprès d’artisans et d’entreprises du bâtiment, Nomadéis a consulté des acteurs situés en amont de la chaîne de valeur du bâtiment.

Ce troisième projet baptisé « BATIFLUX 3 : Transformons nos bâtiments en réserves de matériaux » vise à analyser les perceptions, pratiques et attentes de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre en matière d’économie circulaire en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il bénéficie du soutien de l’Ademe et du conseil régional de PACA au travers de l’appel à projet Filidéchet 2018.[2]

Dans le cadre de ce projet, une consultation a été menée auprès d’une dizaine de maîtres d’ouvrage et d’experts régionaux en matière de transition énergétique et environnementale dans la filière du bâtiment.

Une enquête a ensuite été réalisée auprès des architectes exerçant dans la région PACA.  290 architectes ont répondu à l’enquête, soit 13% de la profession à l’échelle de ce territoire.

Le rapport d’enquête ci-joint dévoile ainsi les pratiques et perceptions des maîtres d’ouvrage  et maîtres d’œuvre vis-à-vis de l’éco-conception, de la réduction des déchets, du réemploi, de la réutilisation de déchets et/ou de matériaux ainsi que du recyclage.

Il présente également les freins à ces pratiques et les leviers de développement de l’économie circulaire du bâtiment.  Pour finir, le rapport propose des moyens d’actions en présentant une série de bonnes pratiques en France ou à l’international.

 

Présentation des principaux résultats de l’enquête

- Consultation de la Maîtrise d’ouvrage : enseignements clés

a) Les pratiques de réemploi et de réutilisation sont marginales dans le processus décisionnel

  • Une minorité de maîtres d’ouvrage volontaires et militants est engagée de manière très active en faveur de l’économie circulaire du bâtiment.
  • Une majorité de maîtres d’ouvrage n’est pas sensibilisée et a une méconnaissance à la fois des pratiques de réemploi et d’éco-conception mais aussi des lois en vigueur.

b) Trois grands freins à la mise en œuvre de ces pratiques sont identifiés

  • Le manque de connaissance des Maîtres d’Ouvrage vis-à-vis des concepts et des modalités de mise en œuvre des matériaux issus du réemploi et de l’éco-conception (informations techniques, obligations légales, délais, coûts, …).
  • Des freins techniques qui entraînent des problèmes d’assurabilité, en raison notamment du caractère hétérogène et non-normé des produits  issus du réemploi et de la réutilisation.
  • Des freins organisationnels et économiques, notamment l’existence de surcoûts des matériaux liés à l’absence de filière économique structurée sur laquelle s’appuyer sur le territoire.

- La commande publique, levier clé dans le développement de l’économie circulaire

  • Les maîtres d’ouvrage signalent que l’inertie des pratiques actuelles et la diversité des acteurs limitent la mise en œuvre du réemploi et de l’éco-conception au sein de la commande publique.
  • Bien que la commande publique ne représente que 20% du marché en région PACA (la commande publique représente 31% en moyenne de l’activité des architectes sur l’ensemble du territoire français[3]), en visant l’exemplarité elle peut favoriser la diffusion des bonnes pratiques jusque dans les marchés privés. Elle pourrait ainsi constituer un effet de levier important dans le développement de l’économie circulaire.

- Enquête auprès des architectes : résultats et enseignements clés

a) Différents profils d’architectes en matière de positionnement et de pratiques vis-à-vis de l’économie circulaire

  • Une minorité d’architectes font de l’économie circulaire leur « cœur de métier » (4% des architectes interrogés). Ils sont toutefois plus nombreux à vouloir accentuer leurs démarches en la matière mais regrettent faire face à des freins économiques et à la réticence de la maîtrise d’ouvrage (36%).
  • Néanmoins, certains expriment peu d’intérêt pour l’éco-conception et perçoivent les matériaux de réemploi comme inesthétiques ou inadaptés (20%). 39% des architectes interrogés sont même opposés à la mise en œuvre de telles pratiques.

b) La mise œuvre de l’économie circulaire par les architectes demeure marginale 

  • Seuls 15% des architectes interrogés déclarent pratiquer à la fois l’éco-conception et le réemploi au moins occasionnellement. Mais ils mettent davantage en œuvre des démarches de réemploi que d’éco-conception : un quart des architectes pratique uniquement le réemploi contre 21% uniquement l’éco-conception.
  • Néanmoins, la mise en œuvre de ces pratiques représente moins de 10% de l’activité.

c) Le réemploi est surtout mis en œuvre s’il représente un avantage économique

  • Plus du tiers (37%) des pratiques de réemploi sont mises en œuvre parce qu’elles représentent un avantage économique (moindres coûts de certains matériaux issus du réemploi par rapport aux matériaux neufs, gisement in-situ, économies réalisées grâce à la réduction des déchets, etc.). Les architectes mettent aussi en avant leurs convictions écologiques ainsi que le respect d’une valeur patrimoniale pour motiver leur choix de recourir au réemploi. 

d) Les architectes identifient également des freins au réemploi et à l’écoconception

  • Le surcoût financier que représente ces pratiques et que la maîtrise d’ouvrage ne souhaiterait pas assumer.
  • Les contraintes réglementaires liées à l’utilisation de matériaux non-normés qui entraîneraient des problèmes d’assurabilité.
  • Les contraintes logistiques, notamment le manque d’information sur la disponibilité des matériaux et le manque d’acteurs intermédiaires, qui freineraient l’approvisionnement.

e) Les architectes semblent disposés à s’investir pour développer les pratiques de l’économie circulaire 

  • Près de 80% des architectes se disent déjà prêts à se positionner sur un appel d’offre qui comporterait des clauses relatives aux pratiques de l’économie circulaire.
  • Près de la moitié des architectes (45%) seraient prêts à s’investir personnellement en participant, via des ateliers de réflexion organisés sur le territoire, au développement de ces pratiques.

 

>> Dans le cadre de ce projet, Nomadéis a produit plusieurs supports à destination des parties prenantes clés :

 

[1] Sources : ADEME, Déchets chiffres-clés, Edition 2018.

[2] Voir sur la plateforme de dépôt et de suivi des projets de l’ADEME : Filidéchet, vers une économie circulaire...

[3] Source : 3ème édition de l’Observatoire de la profession des architectes, Archigraphie 2018

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