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Les architectes, acteurs indispensables de la rénovation énergétique

Tribune de Denis DESSUS, Président de l’Ordre des architectes, qui revient sur l'enjeu de la rénovation énergétique des logements alors qu'une enquête réalisée dernièrement par l'ADEME insiste sur l’ampleur de la tâche à accomplir.
Mis à jour le
28 avril 2024
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rénovation d'une maison individuelle

Selon les chiffres de l’INSEE, les logements construits avant 1975 représentent environ 60% du parc des résidences principales. C’est dire le besoin immense de rénovation, tout particulièrement pour les logements réalisés pendant la période des trente glorieuses avec les premières techniques industrielles et avant la mise en place d’une réglementation thermique.

Et l’urgence est là, avec des millions de ménages souffrant du mal logement. La publication récente des mauvais chiffres sur le bilan d’avancement de la transition bas-carbone ne fait qu’accentuer cette inquiétude, alors que nous devons tous œuvrer pour accélérer la transition écologique.

Malgré les objectifs ambitieux des gouvernements successifs et les efforts consentis par les acteurs de la filière, les résultats ne sont pas au rendez-vous pour le secteur du bâtiment. Or la rénovation est un enjeu de société évident, doublé d’un formidable potentiel d’emplois utiles, capable de dynamiser le tissu des artisans et PME et les économies locales.

Nous devons donc rénover mieux et redoubler d’efforts, pouvoirs publics et professionnels.

Sur ce point, un premier encouragement nous vient de l’ADEME. L’étude que vient de réaliser l’Agence sur les travaux de rénovation notamment énergétiques en maison individuelle rappelle l’importance du rôle des architectes qui sont, selon elle, les interlocuteurs les plus fréquemment cités par les ménages ayant effectué des travaux de rénovation énergétique de qualité.

Dans une enquête sur la rénovation énergétique publiée il y a deux ans, UFC-Que choisir parvenait aux mêmes conclusions  et reconnaissait l’insuffisance totale de la certification RGE. Seul le recours à un maître d’œuvre indépendant, précisait UFC Que Choisir, garantissait aux particuliers des solutions de rénovation à la fois globales, cohérentes et performantes.

En effet, faire appel à un architecte, qui maîtrise toutes les données du projet, (usage, santé, performances environnementales, patrimoniales, financières …), c’est s’associer les compétences de l’intervenant capable de faire les propositions d’aménagement pertinentes, de trouver des solutions techniques cohérentes, d’organiser la passation des marchés d’entreprises, puis d’organiser et vérifier la bonne exécution des travaux.

 

Rénover n’est pas un acte anodin.

La rénovation de bâtiment ne se réduit pas à des travaux, c’est tout d’abord un diagnostic, puis une conception adaptée à chaque cas particulier. Rénover, c’est intervenir sur un bâti existant, l’entretenir pour de longues années. Rénover c’est restructurer des espaces intérieurs, en améliorer l’usage pour répondre à de nouveaux besoins familiaux ou professionnels ; c’est aussi construire une extension, une surélévation destinée à augmenter la surface habitable.

Rénover, c’est également installer de nouveaux équipements de ventilation, de chauffage, de production d’énergie renouvelable ; c’est mettre le bâtiment aux normes en vigueur.

Toutes ces interventions bouleversent les équilibres au sein du bâti. Une intervention mal réalisée peut dès lors remettre en question les niveaux de performance énergétique à atteindre ; elle peut provoquer des pathologies, engendrer une dégradation irréversible du bâtiment, et plus grave, des problèmes de santé pour les occupants en raison d’un traitement de l’air intérieur inapproprié.

L’établissement d’un diagnostic global avant travaux est la condition d’une rénovation de qualité conduite selon les règles de l’art ; il permet également de garantir aux particuliers un meilleur confort auquel sont attachés 80% des ménages selon l’ADEME, d’augmenter la valeur patrimoniale du bien et de les prémunir contre les risques d’une rénovation mal pensée.

Depuis plusieurs années, le Conseil national de l’Ordre des architectes appelle à la systématisation du diagnostic global pour tout projet de rénovation. L’architecte, en tant que professionnel indépendant, dûment assuré et soumis à des obligations déontologiques notamment en matière de formation continue, a toutes les compétences pour poser un diagnostic global pertinent et proposer des solutions et préconisations adaptées.

Les pouvoirs publics doivent se donner les moyens de leurs ambitions

Néanmoins l’intervention d’un maître d’œuvre, gage d’une intervention qualitative dans les projets de rénovation, ne suffira pas à améliorer les résultats du marché de la rénovation énergétique, si dans le même temps, les pouvoirs publics ne rendent pas les aides aux particuliers et la fiscalité plus claires, pérennes et incitatives.

Les audits énergétiques d’une maison individuelle et d’une copropriété sont éligibles au Crédit d’Impôt Transition Energétique (CITE) et c’est bien sûr une avancée puisque le crédit d’impôt s’ouvre enfin à la réalisation de prestations intellectuelles.

Mais cette seule mesure, partielle et éphémère, n’est pas de nature à dynamiser le marché de la rénovation. Si l’on veut créer un véritable levier, il faut simplifier les modalités de réalisation de l’audit énergétique, et que l’Etat comprenne que l’économie d’énergie n’est pas le seul critère déclencheur d’une rénovation.  

Il faut aussi, compte tenu des conclusions de l’étude de l’ADEME, que le CITE ne soit pas réservé au seul audit énergétique mais devienne un diagnostic global, étendu, en fonction de la classe énergétique du bâtiment à rénover, aux prestations de maîtrise d’œuvre pour la conception et le suivi de chantier.

Enfin il faut encore renforcer la sensibilisation des ménages et mailler l’ensemble du territoire. Nous avons noté avec plaisir l’évolution du discours des pouvoirs publics. Le slogan « Tous éco-confortables » promu dans le cadre de la campagne de communication « Faire » qui propose une approche centrée sur le bien-être et non plus seulement sur les économies d’énergie, devrait d’ailleurs être porteur.

Mais il faut aller plus loin, et malheureusement le référencement proposé sur le site internet www.faire.fr est, pour l’instant, insuffisant. En effet, seuls aujourd’hui sont référencés un nombre limité d’architectes en mesure de réaliser un audit énergétique éligible au CITE, cadre réglementaire inadapté aux enjeux, alors qu’ils sont des milliers, répartis sur l’ensemble du territoire, motivés et prêts à répondre à toute taille d’opération.

Il faut leur permettre de s’engager pour « faire ». Ils réalisent aujourd’hui 6 milliards de travaux en rénovation, de façon éthique et responsable, en défendant les intérêts de leurs clients et usagers, et en sachant s’entourer des compétences de bureaux d’étude lors des chantiers les plus complexes. Ils sont ainsi un vecteur reconnu du bien concevoir et bien construire. 

Comme l’indiquait le rapport du Conseil National de l’Habitat sur la Rénovation énergétique des maisons individuelles occupées par leurs propriétaires, « recourir à un architecte, c’est donc avoir une garantie de compétence, une garantie d’éthique, une garantie contractuelle et des garanties professionnelles[1] ».

Lutter contre le mal logement, proposer un habitat sain, des lieux de vie confortables et adaptés à chaque famille et à ses évolutions, est de notre responsabilité collective. Il faut pour cela permettre aux acteurs, architectes, bureaux d’études, entreprises, d’intervenir chacun dans leur champ d’excellence, et les entraîner dans une vraie dynamique « faire ».

 

Denis Dessus, Président de l’Ordre des architectes

 

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[1] Conseil National de l’habitat, Groupe de travail « la rénovation énergétique des maisons individuelles occupées par leurs propriétaires (REMIOP), publié le 20 juillet 2015

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