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Dans le logement, adosser les incitations financières à des critères de qualité forts

Marjan Hessamfar, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre, participera le 26 août aux entretiens d'Inxauseta qui réunissent les principaux acteurs de l’habitat pour débattre et faire des propositions. Elle publie une tribune qui présente la position de l'Ordre en amont de ces rencontres.
Publié le
, mis à jour le
13 juillet 2022
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Entretiens d’Inxauseta 2022
(DR)

Les Entretiens d’Inxauseta se dérouleront le vendredi 26 août 2002 et porteront sur le thème « Habitat, logement : ne perdons pas de temps ! ». Ils se tiendront à Bunus et en ligne sur le site entretiensinxauseta.fr et les réseaux sociaux. Le programme est disponible ici. Les entretiens sont filmés et les vidéos de l'édition 2021 sont en ligne

Voici la tribune signée par Marjan Hessamfar, inaugurant la série des contributions des intervenant(e)s présent(e)s aux Entretiens d'Inxauseta 2022 :


Adosser les incitations financières à des critères de qualité forts

Nous sommes confrontés à un urbanisme de zones et de « quartiers »

La crise actuelle du logement est étroitement liée à des facteurs sociétaux. L’accélération du dérèglement climatique et la crise sanitaire ont brutalement mis l’accent sur les fortes inégalités existant entre les logements : nombre d’entre eux sont devenus inconfortables, trop petits, manquent d’ensoleillement, sont difficilement aménageables, ou encore inadaptés au télétravail. De plus, les confinements successifs ont mis en lumière un besoin vital de « nature » pour tous ceux vivant dans des appartements.

Sans oublier la crise des gilets jaunes qui a révélé les inégalités entre les territoires (métropoles vs territoires ruraux ou périphéries urbaines), dépassant largement les préoccupations économiques (emploi et coût de la vie, prix du carburant). Ces dernières années, la tendance des pouvoirs publics à traiter le logement d’abord comme un produit financier n’a fait qu’amplifier la crise du logement.

Construire des logements neufs ne suffit pas à enrayer la crise »

Si la construction de logements reste nécessaire, construire des logements neufs ne suffit pas à enrayer la crise. Nous sommes confrontés à un urbanisme de zones et de « quartiers » qu’il faut désormais lourdement réhabiliter. Et dans le même temps, le modèle de production du logement est devenu purement économique, vu sous l’angle de la quantité et des financements, sans garantir pour autant l’accès à un logement à tous, décent. En effet, les incitations financières doivent être adossées à des critères de qualité forts (surface agrandie, double orientation, ventilation naturelle…) afin que les logements redeviennent des espaces où il fait bon vivre, et dont les choix de conception respectent l’environnement.

Le modèle de production doit être complètement repensé

Le problème de la quantité des logements ne peut être décorrélé de celui de leur qualité. La crise du logement ne se limite pas à la quantité de logements neufs construits chaque année. Le modèle de production doit être complètement repensé et il est impératif de répondre autrement à la demande qu’en proposant de construire plus et plus vite. De nombreuses problématiques doivent être traitées : répondre mieux à ce besoin de logement vraiment abordables ; mettre fin à la standardisation et créer des logements réversibles et évolutifs afin de pouvoir les adapter à de multiples usages. Il s’agit d’apporter des réponses adaptées à des enjeux économiques et sociaux majeurs : tels que le vieillissement de la population, la prise en compte des handicaps, l’essor du télétravail, la décohabitation, comme la colocation…

La politique du logement doit intégrer la question des conditions de vie. Il est indispensable d’adopter une vision plus systémique de l’habitat, en conjuguant les aspirations des habitants et les enjeux écologiques. Ce n’est pas seulement le logement qui doit être repensé, mais la politique territoriale dans son ensemble pour répondre aux crises écologique et sociale.

Offrir à tous la même qualité de service, tout en préservant nos terres agricoles et paysages qui font la richesse et la diversité de la France, représente d’autres enjeux économiques majeurs : pouvoir se nourrir demain, se déplacer, préserver notre patrimoine, levier de notre attractivité touristique…  

Foncier pensé comme un bien collectif

L’Ordre défend un rééquilibrage territorial entre métropoles et villes moyennes en renforçant par exemple la solidarité fiscale entre les territoires. Il faudrait aussi soutenir plus fortement les opérations de réhabilitation du bâti ancien localisé en centre-bourg, pour y retrouver des logements de qualité qui répondent aux besoins. Cela passera aussi par l’implantation commerces et de services publics de proximité (écoles, loisirs, maisons de santé…), par la végétalisation des espaces urbains, l’offre de mobilité et l’accessibilité de ces territoires en transports en communs pour lutter contre l’étalement urbain.

Le foncier doit être pensé comme un bien collectif en reconsidérant sa valeur parce qu’il est rare. Il existe d’autres manières d’utiliser le sol à encourager pour créer des logements, notamment en produisant sous office de foncier solidaire (OFS).  

La promotion doit évoluer vers des modèles de production du logement plus coopératifs : l’habitat participatif, le montage de coopératives habitantes, baux emphytéotiques… qui associent plus en amont les citoyens et permettent de concevoir des habitats tournés autour du partage, de la solidarité et d’une sobriété des usages. Il faut encourager les élus locaux à lancer expérimentalement ces projets d’habitat innovants, en laissant agir de nouveaux acteurs sur des opérations limitées. Les appels à projets lancés par les pouvoirs publics, comme l’AMI « Engagés pour la qualité du logement de demain », représentent des occasions qui peuvent être saisies par les élus. Les initiatives de type « charte de qualité », portées par les promoteurs et les collectivités locales, permettent aussi de produire une offre de logements plus qualitative.

Démolir le moins possible et valoriser au maximum l’existant »

Innover c’est aussi trouver des solutions pour limiter l’usage des matériaux, démolir le moins possible et valoriser au maximum l’existant : 80 % de la ville de 2050 est déjà là ! Il nous faut encourager la sobriété écologique du bâti, pour réussir à atteindre la neutralité carbone en 2050. Il est urgent de réparer les lotissements, qui incarnent l’excès de périurbanisation, l’étalement urbain, les mobilités émettrices de GES, la destruction du foncier agricole…

Nous devons aussi réinvestir les zones pavillonnaires, mais aussi les friches et les zones commerciales obsolètes en entrée de villes, pour apporter de nouveaux usages et offrir ainsi une nouvelle qualité de vie en ville.

Prouver que densité et qualité riment davantage

Le Conseil national de l’Ordre des architectes a engagé un travail avec les ministères concernés pour encadrer vertueusement la construction, et avec tous les acteurs de terrain - élus, promoteurs, architectes, bailleurs … - pour développer de nouvelles manières de concevoir l’habitat. Nous insistons sur les solutions qu’apporte l’architecture vis-à-vis des enjeux environnementaux et sociaux, en particulier en matière de réhabilitation, de rénovation énergétique et de redynamisation des cœurs de ville.

Déclarer le logement sujet d’intérêt général »

De plus en plus d’architectes, engagés au service de l’intérêt général, se forment sur la manière de rénover en minimisant l’impact sur le climat, avec les matériaux biosourcés. Charge aux architectes de concevoir des formes d’habitat entre le pavillonnaire et le collectif (maisons de ville et de village, habitats groupés, habitats intermédiaires…), qui répondent aux aspirations des habitants (confort, calme, proximité) sans contribuer à l’étalement urbain. Offrir une densité plus forte, en conservant le rapport à la nature, et prouver que densité et qualité riment davantage qu’elles ne s’opposent.

Le Conseil national de l’Ordre des architectes appelle, depuis plusieurs années, le Gouvernement à une meilleure prise en compte de la qualité architecturale et urbaine dans les politiques publiques de l’habitat, et à déclarer le logement sujet d’intérêt général.


>> Cette tribune est parue initialement sur le site cities.newstank.fr.

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